dimanche 27 novembre 2011

Les Fang de l’Estuaire ne sont plus les seuls Fang premier-ministrables du Gabon (2ème partie)



Jean Eyeghe Ndong, dernier premier ministre d’Omar Bongo Ondimba

Puis vint le tour de Jean Eyeghe Ndong qui fut nommé le 20 janvier 2006 au prestigieux poste de premier ministre. Ce fut une agréable surprise pour ce dernier qui n’était alors que ministre délégué aux Finances sous le dernier gouvernement de Ntoutoume Emane. De l’ethnie Mvèny et de la tribu Essoké comme son grand-frère Léon Mba, Jean Eyeghe Ndong aspire au même destin présidentiel, car il se porta candidat à la dernière élection présidentielle d’août 2009 où, finalement il se désista, contre toute attente, en faveur du sulfureux Jean Claude André Mba Obame. Qu’a-t-il fait, en trois ans de primature, pour le Woleu-Ntem et pour les Fang des autres provinces ? La question est posée, et nous avons la réponse : rien !

 Paul Biyoghe Mba, premier ministre aux abois

Paul Biyoghe Mba est sans nul doute le premier ministre fang de l’Estuaire de trop, car ni l’homme et ses méthodes, ni le contexte politique actuel ne peuvent pérenniser un système géopolitique à bout de souffle. S’étant habilement fait nommer le 17 juillet 2009, après la démission de Jean Eyeghe Ndong qui s’offrait l’aventure présidentielle dont l’issue fut déplorable, Paul Biyoghe Mba savoure sa promotion et compte bien demeurer à ce poste le plus longtemps possible. 

Depuis, seules les manœuvres politiques et les manigances politiciennes sont le lot du premier ministre en fonction. Alors qu’il doit conduire, sous les auspices du Chef de l’Etat, la politique dite de l’Emergence, Paul Biyoghe Mba s’investit dans une chasse aux-sorcières qui dit clairement son nom. Malheur à ceux qui ont voté pour Mba Obame dans le Nord ou pour Mamboundou Mamboundou dans le Sud : ils doivent systématiquement être écartés des postes importants de la République quelles que soient leurs compétences reconnues ou leurs profils en adéquation pourtant avec les exigences de la nouvelle donne.

Biyoghe Mba agite en permanence le syndrome de l’élection présidentielle de 2009, car à l’entendre, il fut parmi les rares Fang (de l’Estuaire) pendant les troubles de la transition à soutenir le candidat Ali Bongo Ondimba, devenu depuis Chef de l’Etat.  Il jette en permanence l’anathème sur  ceux qui firent un choix différent du sien et entend bien ainsi user de ce chantage auprès du président de la République, pour conserver la primature : « si tu m’enlèves de ce poste, je rentre avec le MCD dans l’opposition aussi !»  

L’erreur de casting que le Chef de l’Etat a assumé publiquement est bien le fait de son premier ministre Biyoghe Mba. En effet, pour la première fois dans l’histoire de la jeune république cinquantenaire gabonaise, aucun premier ministre n’a disposé d’autant de latitudes, de coudées franches, de pouvoir pour constituer son gouvernement. Ali Bongo Ondimba a fait toute confiance à Paul Biyoghe Mba. Le résultat a été catastrophique car le premier ministre en fonction n’est pas dans une logique « émergente » : il a son propre agenda et entend s’équiper et organiser ses réseaux politiques depuis sa haute fonction pour préparer en 2016 la grande aventure présidentielle.  

Il est dans l’intérêt de Paul Biyoghe Mba que la province du Woleu-Ntem soit accrochée aux basques opposantes de Mba Obame, de cette manière aucun fils de cette province ne peut lui ravir le poste. Mais la donne a changé radicalement, comme le proclamait le Chef de l’Etat dans sa dernière interview à Jeune Afrique, et beaucoup, malheureusement ne l’ont pas encore compris. Au nombre desquels, son propre premier ministre.

Ali Bongo Ondimba va réaménager le paradigme géopolitique de la primature

La donne a changé car le paradigme géopolitique va être réaménagé. Le contexte l’impose désormais. Plus haut, nous disions que c’est par reconnaissance personnelle à l’endroit de Léon Mba, mais surtout pour stabiliser son jeune pouvoir qu’Albert Bernard Bongo mit un Fang de l’Estuaire comme premier ministre. Son fils, Ali Bongo Ondimba, est dans une situation politique toute différente. Ce n’est pas la reconduction tacite de la reconnaissance de son père à l’endroit de la communauté Fang de l’Estuaire qui assurera la stabilité de son régime, mais plutôt l’apaisement de la province du Nord et son passage dans le giron de l’Emergence.   

En effet, quel meilleur coup politique le Chef de l’Etat peut faire à son stratège d’opposant qu’en lui sciant la branche sur laquelle il semble confortablement assis. Retourner la province du Woleu-Ntem à son avantage, voilà bien le coup de génie politique ! Car Mba Obame peut se réclamer haut et fort de cette province afin de s’assurer le soutien dogmatique et disciplinaire de ses frères Ntumu, mais il ne tient pas dans ses mains, le cœur, l’intelligence ou le vote de chaque Woleu-Ntemois. Ces derniers sont autonomes, lucides et peuvent délibérément accepter de suivre le président de la République si ce dernier décide de réaménager le paradigme géopolitique en amenant la primature dans le Woleu-Ntem. 

Ce ne serait que justice après tout. Six premier-ministres fang de l’Estuaire se sont succédés sans que les Fang du Nord et leur province aient eu quelques dividendes : quelles voiries et quels aménagements citadins dans les cinq villes du Woleu-Ntem ? Quelles adductions d’eau et d’électricité pour les villages, même ceux en bordure de la route nationale 1 ? Combien, en trente six ans de primature fang, a-t-on vu des sociétés nationales ou internationales s’implanter dans le Woleu-Ntem afin de créer des emplois, augmenter ainsi les revenus domestiques des populations et assurer finalement le développement économique du septentrion ? 

Parce que les premier-ministres fang de l’Estuaire ont fait fi des Fang du Nord et des autres provinces qui ne leur servaient que de tremplin dans cette représentation géoethnique du pouvoir sous Omar Bongo Ondimba, le temps est venu aux autres Fang de revendiquer à haute et intelligible voix la fonction de premier ministre, et la prétention de mieux représenter toute l’ethnie fang du Gabon. Le Woleu-Ntem dans cette revendication est en première ligne car dans la politique de l’émergence, prônée par le Chef de l’Etat et démolie perfidement par son premier ministre actuel, la province du Nord revêt un caractère hautement sensible et stratégique : elle porte le principal adversaire du président de la République. 

Le Chef de l’Etat doit marcher sur les plates-bandes de son principal opposant politique en ramenant à lui les cadres et les populations du septentrion. La politique de l’émergence se nourrit de compétences, et les cadres du Woleu-Ntem sont un vivier inestimable pour qui souhaite exploiter l’expertise et le sens professionnel de ces hommes aimant le travail bien fait. Déstabiliser Mba Obame sur ses fondamentaux et gagner l’expertise reconnue des cadres du septentrion pour mener à bien la politique de l’émergence, voilà les enjeux importants que le Chef de l’Etat peut relever s’il prend la décision révolutionnaire de confier pour la première fois la fonction de premier ministre à un ressortissant du Woleu-Ntem.

L’occasion sera alors donnée à la province du Nord de montrer son engagement à la personne du Chef de l’Etat, à la politique de l’émergence et sa capacité à gérer la chose publique dans un esprit républicain.

Nous terminons en disant que cette décision de nommer un Fang du Nord au poste de premier ministre participera in fine à la républicanisation de cette importante fonction de l’Exécutif.   En Effet, quand la fonction de premier ministre sera désormais aux mains d’un Fang du Nord, il sera légitime que les Fang des autres provinces revendiquent à leur tour l’honneur de voir un des leurs accéder à cette prestigieuse fonction. Et de l’Estuaire, la primature, comme les conseils des ministres délocalisés instaurés par le Chef de l’Etat, ira au Woleu-Ntem, puis dans l’Ogooué-Ivindo et ainsi de suite. Un moment lointain viendra où le seul critère de la compétence du citoyen à même de conduire le gouvernement de la République primera sur toutes autres considérations ethniques ou régionalistes. C’est du moins le vœu républicain que nous formulons pour l’intérêt de la nation gabonaise.

Horus Djer ou Athotis II, pharaon de la première dynastie


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