vendredi 25 novembre 2011

Les Fang de l’Estuaire ne sont plus les seuls Fang premier-ministrables du Gabon (1ère partie)

Ce dossier spécial "Qui sont les vrais amis d'Ali Bongo" nous a été offert par la direction de la publication de l'hebdomadaire gabonais "Le Mbandja". 



L’histoire commence au 15ème siècle. Afiri Kara fit plusieurs enfants avec ses deux épouses Saka et Nana Ngoge Bè. Du ventre de la seconde épouse dénommée Nana Ngogo Bè, Nfan Afiri fut l’aîné et Ntumu Afiri, le puîné.  Nfan Afiri devint l’ancêtre fondateur du peuple Nfan, Fan ou Fang. Son petit frère, Ntumu Afiri engendra le peuple Ntumu. Dans la migration des descendants d’Afiri Kara, Nfan Afiri et ses enfants, puis ses descendants furent toujours les éclaireurs. Ils étaient aux avant-postes pour repérer les lieux d’habitation avant que tout le groupe migrant ne s’installe. C’est donc tout naturellement que le peuple issu de Nfan Afiri, vers le milieu du 19ème siècle (1850) se retrouva dans l’Estuaire du Komo. Cependant, le peuple frère Ntumu issu de Ntumu Afiri avait depuis décidé de se sédentariser dans la province du Woleu-Ntem, où il y était resté avec les peuples frères Okak, Mvèny et Bekuiny.

A la faveur de l’ethnologie occidentale (allemande, portugaise, française et espagnole) le peuple Fang englobera – à tort – les autres peuples frères Ntumu, Okak, Bekuiny et Mvèny ou Nfan-Nzaman. Cette erreur qui fera d’une partie de l’ensemble, tout l’ensemble est consacrée désormais en vérité historique.
Aujourd’hui au Gabon, le groupe dit « Fang » se retrouve dans les provinces du Woleu-Ntem, de l’Ogooué-Ivindo, du Moyen-Ogooué, de l’Estuaire et de plus en plus dans l’Ogooué-Maritime.
Issus de la province de l’Estuaire, des Fang illustres jouèrent un rôle politique majeur au Gabon pendant les ères coloniale, de l’indépendance et postindépendance. Deux hommes remarquables nous viennent à l’esprit : Jean-Hilaire Aubame Eyeghe et Gabriel Léon Mba Minko mi Ndang.

Jean Hilaire Aubame Eyeghe, le président que le Gabon ne voulut pas

Le premier plus instruit, douanier de profession, collaborateur du gouverneur-général de l’AEF, Félix Eboué (1943), président de la commission municipale de Poto-Poto à Brazzaville (1944-1946), Conseiller de André Bayardelle qui succéda à Félix Eboué décédé, sera le premier gabonais à siéger au parlement français quand il sera élu le 10 novembre 1946. Il sera réélu le 17 juin 1951 puis le 02 janvier 1956 et appellera à voter « oui » au référendum du 28 septembre 1958. Malgré ce pedigree politique impressionnant, il ne reviendra pas à Jean-Hilaire Aubame Eyeghe de conduire son pays vers l’indépendance et d’en devenir le premier président comme ses collègues africains qui eurent des parcours similaires (Houphouët-Boigny,  Sedar Senghor, Sékou Touré, Modibo Keita, etc.) Cet honneur échoira à un autre fils Fang de l’Estuaire, au parcours non moins trempé de courage et d’habileté politiques : Gabriel Léon Mba Minko mi Ndang dont l’histoire gabonaise ne retiendra pour noms que Léon Mba.

Léon Mba, le premier président de la République gabonaise

Rien pourtant ne prédestinait Léon Mba à un destin présidentiel. Chef de canton (1924), condamné et exilé pour extorsions et sorcellerie en Oubangui-Chari (1931), militant du RDA de Houphouët-Boigny dès son retour au Gabon en 1946, élu maire de Libreville (1956) grâce au soutien du puissant groupe des forestiers du Gabon qui fut séduit par son opportunisme et son charisme, il réussit à se hisser à la tête du Gabon en accédant au poste de vice-président du Conseil du gouvernement (1957). Devenu premier-ministre du 27 février 1959 au 21 février 1961, date à laquelle il sera élu, par ses pair de l’Assemblée nationale gabonaise, premier président du Gabon, Léon Mba aura l’immense privilège de proclamer l’indépendance du Gabon le 17 août 1960, après avoir tenté vainement de faire de son pays un département français.

L’affrontement politique Mba Minko – Aubame Eyeghe

Dès l’indépendance, la politique du Gabon va se cristalliser autour de l’affrontement sans merci entre ses deux fils Fang de l’Estuaire si dissemblables et que rien ne pouvait unir, hormis cette même ambition d’occuper le seul siège présidentiel. Dans ce positionnement politique, les Fang (en réalité Ntumu) du Woleu-Ntem prirent partie pour Jean-Hilaire Aubame Eyeghe, qui d’ailleurs fut député de Mitzic bien que natif de Libreville, contre Léon Mba. Séduits sans doute par son instruction, son parcours politique qui n’avait point son égal à l’époque et son nationalisme patriotique, les Fang du Nord estimaient, sur la base du mérite, que Jean-Hilaire Aubame Eyeghe pouvaient mieux que Léon Mba conduire le destin de la jeune nation gabonaise. Cette préférence à son détriment soulèvera l’îre du président Léon Mba à l’adresse du Woleu-Ntem qui désormais ne sera à ses yeux qu’une province rebelle, opposante et militant pour son départ du pouvoir. Malgré le rapprochement tardif des hommes politiques d’Oyem comme Ondo Ndong Jean-François et Michel Abessolo, le sort du Woleu-Ntem était scellé aux yeux présidentiels. L’objectivité avec le recul historique, laisse transparaître que le choix républicain et démocratique que le Woleu-Ntem fit en la personne de Jean-Hilaire Aubame lui fut fatal, car son préféré n’accéda jamais au pouvoir et lui-même fut ostracisé, tenu à l’écart des décisions importantes qui engagèrent la nation gabonaise.

A la mort du président Léon Mba, Albert Bernard Bongo lui succéda et ne remit pas en cause la posture de Léon Mba à l’endroit du Woleu-Ntem. Il faut dire que l’ancien ministre de la Défense Nationale, qu’il était alors, n’a jamais oublié le traitement de violences physiques sur sa personne exercé par les militaires, lors du coup d’état du 17 au 18 février 1964 mené par Ndo, Essone et Mombo. Des Fang du Nord s’étaient illustrés contre la personne du président pour laquelle il avait respect, estime et affection et contre lui-même également. Conscient qu’il était issu d’une minorité ethnique (Téké) et qu’il avait reçu son pouvoir d’un membre d’une communauté relativement majoritaire, le président Bongo n’avait d’autre choix pour stabiliser son jeune pouvoir que d’élever un ressortissant de l’ethnie Fang comme deuxième personnalité de l’Exécutif quand il prit la décision de supprimer le poste de vice-président qu’il fut le dernier à occuper sous Léon Mba.

Léon Mebiame Mba et le Woleu-Ntem : inexistence de relation

Mais pourquoi un Fang de l’Estuaire fut-il nommé premier ministre par Albert Bernard Bongo le 16 avril 1975 ? Parce que Léon Mba était Fang de l’Estuaire et cette reconnaissance allait de soi. Mais également parce que les Fang du Nord restaient de farouches adversaires aux yeux du jeune président. Et enfin Léon Mebiame Mba était un proche du nouveau président Bongo et son nom avait quelques résonnances avec le premier président du Gabon.

Dans l’esprit de la géopolitique d’alors, nonobstant les états d’âme des hommes politiques au premier chef desquels le président de la République lui-même, la primature était dévolue à un Fang de l’Estuaire mais pour le compte de tous les Fang du Gabon. Car c’est ainsi que les autres ethnies le comprenaient et estimaient à juste titre que la répartition des postes politiques et de la haute administration ne devait léser aucune ethnie. Pourtant les années de mandature de Léon Mebiame Mba n’apportèrent rien de concret aux Fang du Nord, et la province du Woleu-Ntem ne connut aucun essor économique. Ceci est tout aussi vrai pour les Fang des autres provinces précités dans le rappel historique à l’exception notable de ceux de l’Estuaire. Léon Mebiame Mba n’eut aucune relation particulière avec la province du Woleu-Ntem, bien que la représentant en sa qualité de premier ministre fang.

Casimir Oye-Mba, un technocrate loin des populations du Woleu-Ntem

L’arrivée de casimir Oye Mba, le 03 mai 1990 à la primature suscita un grand espoir dans la période incertaine des bouleversements que connut le Gabon au début des années 90.  Ce technocrate appelé au chevet du Gabon malade laissa ses habits de gouverneur de la BEAC pour trouver des solutions politiques et socio-économiques qui devaient faire le bonheur des gabonais. Le bilan de ce premier ministre fang de l’Estuaire reste contrasté, tant dans le département du Komo où il fut élu député en 1991, dans le Woleu-Ntem où sa brève incursion dans le village de son père, Abang-Medoumou par Oyem, n’a convaincu aucun villageois de son attachement à sa terre ancestrale, que dans le Gabon tout entier où sa dernière et piètre illustration à l’élection présidentielle d’août 2009 a fini de persuader, même les plus irréductibles soutiens à Cam-la-classe, que l’homme n’avait pas de grandes ambitions pour son pays. Pourtant Ntumu par son père, car il est de la tribu Bekuèny et Mvèny par sa mère de la tribu Essokè, Oye Mba n’est pas Fang (au sens historique des descendants de Nfan Afiri). Donc il était à mesure d’apporter une attention toute particulière à la province du Nord où les Ntumu comme lui sont majoritaires. La route nationale de l’axe (Yaoundé)-Bitam-Libreville ne doit pas être mise à son seul crédit car l’insistance des bailleurs de fonds (UE et BAD) y est pour beaucoup et la route transafricaine revêt –c’est triste de le dire- plus d’intérêt pour les partenaires au développement que pour nous-mêmes les principaux concernés. Donc, à l’instar de son prédécesseur, Oye Mba Casimir ne marqua pas positivement les Fang du Nord et des autres provinces bien qu’étant leur digne représentant à la primature.    

Paulin Obame Nguema et Jean-François Ntoutoume Emane, des premiers ministres transparents

Que dire de Paulin Obame Nguema qui succéda à Casimir Oye Mba le 02 novembre 1994 ? Rien du tout. Sa mandature au 02 décembre est caractérisée par une absence totale de relation avec le Woleu-Ntem. A-t-il su un jour que dans cette province du Nord, il y existait des Fang comme lui qu’il était sensé représenter ? 

Succédant à Léon Mebiame Mba (15 ans) dans le registre de la longévité à la primature, les sept ans de Jean-François Ntoutoume Emane qui hérita du poste de premier ministre le 23 janvier 1999 après Paulin Obame Nguema, furent des années transparentes. Elles s’écoulèrent lamentablement sans apporter le moindre changement au Gabon, et encore moins dans la province du Woleu-Ntem. Cette non-existence des successifs mais volubiles gouvernements Ntoutoume Emane ne laissera aucun souvenir dans la mémoire des Fang du Nord et ceux des autres provinces. 

Horus Djer ou Athotis II, pharaon de la première dynastie

1 commentaire: