samedi 4 juin 2011

Ministère de l’habitat : une mesure pas moins dangereuse


Dans notre précédent article intitulé « Ministère de l’Habitat : il n’y a eu ni TsunAli, ni licenciement, juste une remise en ordre des choses », nous avons eu la délicatesse de préciser qu’en dépit de son caractère courageux, la mesure prise par le conseil des ministres délocalisé était également dangereuse. Et ce, sur plusieurs plans.

Tout d’abord, le fait de « mélanger les serviettes et les torchons » de ce ministère ne sera jamais perçu comme une mesure de bon goût pour tous ceux qui s’estiment lésés ou injustement condamnés. En effet, le ministère de l’Habitat est avant tout, un ministère technique. Autrement dit, il a un nombre non négligeable de citoyens y travaillant qui ne répondent qu’à des problématiques techniques. Ils ne sont nullement dans la chaîne décisionnelle. Par conséquent, leur mission de simples exécutants ne peut justifier la mesure globale prise par le conseil des ministres de Koula Moutou mais surtout le retard ou l’absence de concrétisation sur l’affaire « étrange » des cinq mille logements par an.

Puis, sur le plan humain, cette décision vient froisser l’intégrité et la fierté de plusieurs cadres de ce ministère qui ont toujours servi l’Etat avec abnégation et loyauté. Ce qui veut dire que les mettre tous à la même enseigne ou remettre également les « présumés innocents » des crimes financiers du ministère de manière arbitraire à la fonction publique suscitera des frustrations qui seront très difficiles à réparer.

Et notre regard politique sur cette décision nationale coûtera bien cher à notre majorité d’autant plus que le temps pour rattraper les dégâts posés ne joue nullement en notre faveur. Surtout que la Cour Constitutionnelle venant sans surprise et bien heureusement de prouver à travers sa décision, sa volonté d’améliorer son fonctionnement en rejetant le report demandé par le gouvernement en concertation avec « nos amis » politiques de la majorité. On peut évidemment affirmer que Marie Madeleine Mborantsouo a perçu l’importance et la pertinence des messages qui lui ont été présentés. Ne dit on pas qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas ?

Un électorat qui vient encore une fois de plus grossir les rangs de l’Union Nationale qui se semble désormais se présenter comme les véritables défenseurs des causes nationales. Du vrai pain béni pour Myboto Zacharie et son ami Mba Obame André qui ne se sont certainement pas privés de savourer un bon champagne après une telle manne politique imprévue. De quoi se tirer les cheveux dans la majorité face à un changement pourtant nécessaire mais trop brutal et très mal commandé. Une chose est sûre, le conseil des ministre de Koula Moutou restera dans les annales politiques comme étant le symbole de la boulette politique.

Ensuite, sur un plan stratégique, il aurait été plus judicieux qu’une enquête soit menée au préalable afin de connaître exactement les raisons qui justifieraient le blocage d’une poussée de terre des cinq mille logements par an promis par le Chef de l’Etat, Ali Bongo Ondimba.
Ce n’est qu’à la suite de ce travail fait en amont que le conseil des ministres aurait pris les mesures qui s’imposent. Mais hélas, la démarche faite à l’envers invite à comprendre le véritable but recherché même si notre article du 2 juin 2011 s’efforçait de rester positif tout en précisant l’existence de zones d’ombre dans cette mesure. C’est l’occasion de se demander que font les conseillers spéciaux et les conseillers du Président de la République ? N’ont pas vu la  dangerosité de cette mesure telle qu’elle a été présentée au peuple?

A ce stade des calculs politiciens officieux, le ministre de l’habitat n’a pas d’autres choix que de miser fortement sur une clarté irréprochable dans les enquêtes qui vont s’ouvrir très bientôt. Il est tant que chacun prenne ses responsabilités et porte sa croix dans notre pays. Jadis nous pensions que l’esprit de la Lopé avait su bâtir une véritable solidarité gouvernementale, mais la réalité en est toute autre, surtout quand on voit le Premier Ministre acculé et lynché publiquement son propre ministre. Il faut alors se poser de nombreuses questions claires mais surtout constater que le bateau a déjà pris trop d’eau. Il est certainement venu le moment de le vider en commençant par ceux qui constituent les plus gros boulets.

Bien qu’il est souvent dit qu’il vaut mieux tard que jamais, il est quand même assez surprenant que Blaise Louembè, que nous n’excusons nullement de ses erreurs dans ce chantier et dont nous ne sommes pas les avocats, soit mis sur la place publique alors que le projet des cinq mille logements par an existe depuis la campagne présidentielle et que ce dernier avait pourtant eu un prédécesseur qui a bien fait 15 mois à ce ministère sans qu’il ne soit interpellé pour rendre compte de la question des logements promis. Or l’actuel ministre a moins de 6 mois à la tête dudit ministère et déjà les pressions et les décisions se font drastiques. Cette présentation publique du problème nous amène à croire qu’il existerait d’autres raisons inconnues pour le moment sous la table. Mais la vérité étant fille du temps, nous disons : qui vivra verra. Bref…

Etant donné qu’en 2010, aucune maison n’a émergé, le peuple gabonais est en droit de se demander : où est passé le budget du ministère de l’habitat cette année là ? Qu’est ce qui a réellement été réalisé à la hauteur du budget alloué ? En d’autres termes, qu’a-t-on fait avec l’argent du contribuable en matière de logement en 2010 ? Espérons que cette affaire entraînera la condamnation des coupables et qu’elle ne soit pas négligée ou banalisée comme la disparition « non mystérieuse » des 7 milliards 920 millions de francs CFA à l’assemblée nationale.

Autant d’inquiétudes justifiées et de questions pertinentes bien que dérangeantes qui nous amènent à dire qu’à force de chercher Blaise Louembé, on finira par bousculer les nombreux cadavres qui infestent les placards secrets de la République. Ce qui n’est pas plus mal pour notre pays.

Osons espérer que la décision brutale voire excessive de remettre de l’ordre au ministère de l’habitat nous révélera des choses très graves. Que ceux qui ont des yeux voient et des oreilles entendent. Cependant, nous invitons notre majorité à une révision de cette mesure disproportionnée, comme celle du 14 octobre 2010, en réintégrant tous les agents du ministère de l’habitat qui ne participent en rien à la chaîne décisionnelle mais que soient poursuivis tous les corrompus qui y règnent.

Par Télesphore OBAME NGOMO







    

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