mercredi 28 décembre 2011

Quel sens donné au taux d’abstention élevé des législatives ? (deuxième lecture)

Selon les pouvoirs publics, coordinateurs des dernières élections législatives dans notre pays, le taux d’abstention serait supérieur à 60%. Mais selon l’opposition boycotteuse, le taux de participation serait d’environ 8%. De cette divergence fondamentale et remarquable, comment lire cette guerre des chiffres tranchée par les observateurs qui reconnaissent que le taux de participation était très faible bien que le scrutin se soit bien déroulé.

Autrement dit, toutes les parties valident le fait que le peuple gabonais n’a pas fait suffisamment d’efforts pour prendre part à cette élection.

Les raisons évoquées sont diverses et encore une fois, chaque partie tend à tirer la couverture de son côté soit pour minimiser le désaveu populaire, soit pour chercher à s’octroyer une victoire définitivement perdue.

De ce que l’on peut constater, le peuple gabonais ne s’intéresse plus aux discours car il en a suffisamment entendu. Aussi, on peut aisément comprendre le choix stratégique qui avait été celui d’Omar Bongo Ondimba de dénommer son projet de société « les actes pour le Gabon ». C’est dire qu’en 2011, lorsqu’il continue de croupir dans les mêmes difficultés qui durent depuis de nombreuses années, le peuple gabonais ne peut que se détourner des choses qui sont liées à la politique « politicienne ».

Avec Ali Bongo Ondimba, un grand espoir s’était fait sentir après les élections de 2009. Mais hélas, avec la politique des « retards utiles » qui tend à durer une éternité et la chute des piliers qui constituaient les relais du pouvoir d’Omar Bongo Ondimba, le peuple n’a pas jugé utile de poursuivre cet immobilisme innommable et ce changement brusque dans lequel il ne retrouve pas son compte.

De ce fait, ce constat amer est non seulement un rejet de la politique du gouvernement de Paul Biyoghe Mba mais aussi un message clair lancé à l’endroit du président de la République.

Après avoir constaté les erreurs de casting et y avoir opéré quelques changements, le peuple gabonais n’aperçoit toujours pas, ne serait ce que, les fondations d’une réelle politique de changement. Avoir fait le choix de remplacer Obiang, Madoulazokou, Moussavou ou Oléri par Diallo, Yang ou Dupont semble ne pas porter ses fruits. Qu’on soit de l’opposition ou de la majorité, cette opération semble être trop salée à avaler d’autant plus que les choses semblent s’empirer.

Dans cette démarche contestée, nombreux sont les citoyens gabonais qui se disent être des soutiens du chef de l’Etat mais qui préfèrent taire les récriminations du peuple alors qu’ils savent que leur silence peut coûter excessivement cher à la légitimité d’Ali Bongo Ondimba. Et nous y sommes : le taux d’abstention trop élevé pour un corps électoral aussi modeste et qui fait le lit de la crédibilité de l’opposition en est le symbole le plus visible.

En effet, que l’élection se passe dans le calme dans notre pays, cela ne peut que nous réjouir. Mais quand des représentants du peuple sont choisis ou élus timidement, il n’y a pas de quoi être fière pour notre pays qui continue malgré tout son bout de chemin vers la démocratie.

Omar Bongo Ondimba avait conçu un système de gestion qui n’était pas des plus idiots si l’on venait à y extraire le phénomène de l’impunité et le blocage du système de rotation des roitelets. Car, les formes de redistributions perverties par certains roitelets budgétivores et la préservation directe de l’électorat populaire garantissaient au fils de Basile Ondimba une certaine assise politique dans tout le pays et un excellent système d’information fiable.

Mais hélas, le véritable et premier malheur d’Omar Bongo fut celui de n’avoir pas programmé dans ses ambitions politiques le développement économique du Gabon. Rappelons que le défunt président avait opté et mis en priorité, le dialogue, la tolérance et la paix. Ce qu’il a plus ou moins réussi à respecter.

Or, dans la configuration de la gestion actuelle où la politique des roitelets semble avoir été brutalement amputée dans certaines régions bien qu’il reste encore quelques bastions de résistance, une majorité conséquente du peuple gabonais (65%) se sent de plus en plus perdue. En d’autres mots, la majorité du peuple ne se reconnaît pas dans le plupart des tenants du pouvoir et dans leurs décisions. Elle ne parvient pas à s’identifier à la plupart des noms provenant de l’autre côté de la mer. C’est pourquoi, à travers cet acte républicain contestable, les 65% s’étant abstenus de participer à l’élection lancent un message clair et ferme au président de la République.

Il va s’en dire que de cet appel, des changements forts sont attendus pour réconcilier une fois pour toute le peuple gabonais et la politique qu’il souhaite incarner : le départ sans conditions du chantre des retards utiles, la modération de l’overdose des intégrations des compatriotes venus d’ailleurs, l’extermination de l’impunité, la prévention de la montée de la xénophobie suite à l’hégémonie des forces étrangères dans les hautes sphères de l’Etat et la création d’un espace d’échanges publics à caractère républicain dirigé par la société civile après le constat d’une assemblée nationale monocolore.

Par Télesphore OBAME NGOMO    



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