dimanche 4 décembre 2011

Pourquoi il faut républicaniser la fonction de premier ministre !(1ère Partie)

Selon la constitution gabonaise, le premier ministre de la République est nommé par le chef de l’Etat qui peut également le démettre. Si sa nomination est à la seule discrétion du président de la République, il reste que ce dernier doit le choisir au sein du parti majoritaire à l’Assemblée nationale. Cela, afin que lors de sa déclaration de politique générale, le premier ministre puisse avoir le vote de confiance de l’Assemblée nationale qui contrôlera son action.

Le rôle du premier ministre de la République selon l’article 28 de la loi fondamentale est de conduire la politique du gouvernement sous la houlette du Chef de l’Etat. Il est le patron du gouvernement et de toute l’administration publique.

Pour une conduite harmonieuse de la politique gouvernementale de la nation, il importe que le président et le premier ministre de la République partagent la même vision et adoptent une même méthode de travail. Ces aspects sont capitaux et bien au-dessus d’autres considérations plus personnelles comme la sensibilité, la personnalité ou l’ambition secrète des acteurs.

Si Gabriel Léon Mba Minko mi Ndang fut le primo-premier ministre du Gabon, de 1959 à 1961, la fonction de premier ministre a réellement pris tout son sens sous le magistère d’Omar Bongo Ondimba qui en a « usé » cinq au cours de trente six ans.   Ce fut d’abord Léon Mebiame Mba (1975-1990), puis Casimir Oye Mba (1990-1994), ensuite Paulin Obame Nguema (1994-1998), puis vint le tour de  Jean-François Ntoutoume Emane (1998-2005) et enfin celui de Jean Eyeghe Ndong (2006-2009) qui clôtura la série des premiers ministres d’Omar Bongo Ondimba.

Dans un article précédent du dossier spécial «QUI SONT LES VRAIS AMIS D’ALI BONGO ONDIMBA ? », un confrère rappelait les critères cardinaux qui furent arrêtés définitivement par Omar Bongo pour choisir le premier ministre de la République du Gabon. Rappelons-les, ici, très rapidement : (a) être de l’ethnie fang et (b) être issu de la province de l’Estuaire. Au sens bongomarien, ces deux critères étaient politiquement stratégiques : d’abord, il fallait contenter la communauté fang du Gabon qui avait eu un des leurs à la tête du Gabon et qui est relativement majoritaire dans le pays, ensuite il fallait, par reconnaissance, confier la primature à un Fang issu de la province de l’Estuaire comme l’était Léon Mba Minko.  Ces deux critères ethno-politiques ont garanti la stabilité du pouvoir d’Omar Bongo Ondimba pendant près de 42 ans. Il faut ajouter à cela, le monopartisme, le pétrole et le soutien indéfectible de Paris.

Outre le poste de premier ministre de la République destiné aux uniques Fang de l’Estuaire, d’autres postes gouvernementaux et de la haute administration ont été pourvus selon des critères de la même veine. Ainsi, la présidence du Sénat est réservée aux Myènè du Moyen Ogooué (Georges Rawiri, et aujourd’hui Rose-Francine Rogombé), hormis l’épisode Radembinot–Coniquet. L’Assemblée nationale après avoir été « l’affaire » des Myènè (Paul Gondjout, Louis Bigman, Georges Damas-Aleka, Augustin Boumah, Marcel-Eloi Rahandi-Chambrier et dans une moindre mesure Jules-Aristide Bourdes-Ogouliguende) est passée entre les mains des Nzébi de l’Ogooué-Lolo avec l’éternelle présidence de Guy Nzouba-Ndama. La mairie de Libreville est rétrocédée exclusivement  aux Fang ou aux Mpongwè de l’Estuaire (Léon Mba Minko, Lubin Martial Ntoutoume, Davin, Damas-Ozimo, Mba-Abessole, Ayo-Barro, Ntoutoume Emane)…On pourrait poursuivre ainsi, saisir chaque poste politique ou administratif et relever le critère géopolitique qui a caractérisé la gestion des ressources humaines de l’ère Omar Bongo.

Mais, cette ère, est-elle toujours de mise ?  Si oui, alors ce critère doit être maintenu ! Si certains dinosaures du Parti Démocratique Gabonais (PDG) et affidés veulent continuer à le croire pour maintenir allègrement et abusivement leur train de vie dispendieux, il nous est permis d’avoir une opinion contraire et d’affirmer sans sourciller que l’époque d’Omar Bongo Ondimba a vécu comme l’a rappelé Ali Bongo Ondimba dans son interview du 29 août 2011 : « Tout le monde n’a pas compris que le Gabon avait changé ». Pourtant avant sa mort, le maître de cette époque fit une autocritique pertinente et humble qui restera dans la mémoire de tous les Gabonais.

Omar Bongo Ondimba, à près de 74 ans d’âge et 42 ans de pouvoir, reconnaissait publiquement son échec : le Gabon, pays béni des dieux, avec ses immenses richesses méritait bien mieux, beaucoup mieux que cela. Pays riche, peuple pauvre à l’exception des prédateurs et fossoyeurs de la République dont les noms sont connus de tous les Gabonais.

Voici le bilan-héritage que le père transmet à son fils. Ce bilan n’est guère reluisant avec des gouvernements successifs reconnus incompétents, une administration des plus corrompues d’Afrique, des institutions républicaines pas toujours objectives, des élections souvent contestées, une population aux abois qui attend toujours les dividendes du pétrole, ….la liste à énumérer reste longue et peu flatteuse pour un pouvoir quadragénaire.

Que doit faire le nouveau président gabonais ? Poursuivre l’œuvre décriée par son prédécesseur et père ou changer résolument de cap ? Ali Bongo Ondimba a donné la réponse à cette question lors de son interview bilan au quotidien gabonais « l’Union »: « les gabonais ne m’ont pas élu pour faire du sur place ». A cet effet, les différentes actions qu’il pose le montrent malgré les pesanteurs dues aux réticences de ceux qui veulent préserver un système dont la violente critique a été menée par son propre initiateur.

Le chef de l’Etat du Gabon a changé de cap, quelques fois maladroitement voire même brutalement. Mais il faut de la dextérité et du temps pour réaménager un système afin qu’il évolue progressivement pour aboutir à un tout autre système. Il faut, pour ce faire, analyser froidement les réalité structurelle et conjecturelle et opérer des choix politiques en réponse aux questions induites par ces réalités.

La géopolitique a vécu ! Il faut s’en convaincre et faire le deuil d’un système de gestion qui a montré toute son incapacité à faire du Gabon un pays semblable à la Libye ou au Maroc, bien que disposant de beaucoup plus de richesses. Le parlement est, par excellence, le lieu de la représentation ethno-politique à défaut d’être nationale. Pourquoi continuer à le cacher, les partis politiques gabonais ont une base électorale ethnique, des membres ou adhérents ethniques et des leaders ethniques. Ces partis étant représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat donnent du sens à la représentation géopolitique de la nation gabonaise. Cela, nous le concevons parfaitement.

Ce qui nous semble abscons désormais, c’est que l’exécutif continue de considérer le critère géopolitique comme élément stabilisateur national par le fait que toutes les ethnies soient représentées au gouvernement, dans les institutions républicaines ou dans la haute administration. Quid de la compétence ? Le président Ali Bongo Ondimba doit rompre avec la géopolitique et la substituer en faisant la promotion de la compétence. Peu importe à un Gabonais si le ministre de l’énergie est de l’Ogooué-Lolo ou de la Nyanga lorsqu’il peut avoir l’eau courante et l’électricité à toute heure dans son domicile. Peu importe à une Gabonaise si le ministre de la Santé est du Woleu-Ntem ou du Haut-Ogooué dès le moment où sa couverture sanitaire est assurée toute l’année. Peu importe au jeune gabonais si le ministre de la jeunesse et des sports est de l’Estuaire ou de l’Ogooué-Ivindo dès l’instant où il peut bénéficier d’une politique jeunesse à la hauteur du potentiel du pays.

Oui, peu importe l’ethnie du président, du premier ministre, du ministre, du député … si le service public qu’il doit rendre à la nation est exécuté avec compétence à la grande satisfaction des populations.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire